Contexte de fermeture des réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix (1997-2001)
Le 21 décembre 2024
Réacteurs à neutrons rapides (RNR)
Contexte de fermeture des réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix (1997-2001)
Dans cet article nous essaierons en toute neutralité de recontextualiser les évènements qui ont poussé une ancienne ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, Madame Dominique Voynet, ancienne ministre de l’Environnement de 1997 à 2001, à justifier de plusieurs dangers et d’évènements pour obtenir la fermeture des réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix, des installations emblématiques, mais controversées.
Pour recontextualiser, en tant que ministre de l’Environnement, elle portait une vision écologiste alignée avec celle du parti Verts, parti dont elle était une figure emblématique. Et elle avait pour responsabilité de piloter les politiques environnementales, d’aménagement du territoire et de développement durable en France.
La décision de fermer Superphénix a été annoncée peu après sa prise de fonction, en juin 1997, dans le cadre de l’accord de coalition entre le Parti Socialiste et les Verts.
Contexte sécuritaire inhérent au sodium liquide
Les réacteurs Phénix et Superphénix utilisaient du sodium liquide comme caloporteur, un choix qui présente à tout points de vue des risques spécifiques.
Puisque la réactivité chimique du sodium, présente une propension à s’enflammer spontanément au contact de l’air ou à réagir violemment au contact de l’eau, ce qui bien entendu constitue un risque d’exploitation qui doit être contenu, pour assurer la sécurité des travailleurs et du public.
Certains incidents successifs et récurrents, pour ces réacteurs nucléaires ont mis le jour sur différents problèmes techniques d’exploitation, liés à des fuites ou des incidents impliquant le sodium liquide hautement inflammable, renforçant les inquiétudes sur leur fiabilité.
Dans les réacteurs nucléaires à neutrons rapides Phénix et Superphénix, le sodium liquide est utilisé comme caloporteur en raison de ses excellentes propriétés thermiques et neutroniques.
La concentration de sodium utilisée en tant que fluide caloporteur est essentiellement du sodium métallique pur, c’est-à-dire proche de 100 % de sodium élémentaire (Na), sans impuretés significatives.
Détails sur le sodium utilisé :
- Pureté : Très élevée (généralement > 99,9 % de Na), pour éviter les réactions indésirables et la corrosion des structures.
- Température d’exploitation :
- Phénix : environ 400 à 550 °C
- Superphénix : environ 400 à 550 °C
- Points de fusion et d’ébullition :
- Point de fusion : 97,8 °C
- Point d’ébullition : 883 °C
Le sodium est choisi pour sa faible absorption des neutrons, sa bonne conductivité thermique, et sa capacité à rester liquide sur une large plage de températures, assurant ainsi un transfert de chaleur efficace du cœur du réacteur vers les échangeurs thermiques.
Contexte d’exploitation présentant un coût économique significatif
L’installation de Superphénix a en particulier, été critiquée pour ses coûts de construction, d’exploitation et de maintenance :
- La construction et les réparations fréquentes ont engendré des dépenses significatives pour EDF et le gouvernement.
- Le réacteur Superphénix a souvent été à l’arrêt pour maintenance ou à cause de pannes, fonctionnant très peu par rapport aux attentes initiales.
Contexte risques de prolifération nucléaire
Les réacteurs à neutrons rapides utilisent du plutonium comme combustible, une matière également utilisable pour fabriquer des armes nucléaires. L’ancienne ministre craignait que le développement de cette technologie :
- Accroisse le risque de détournement du plutonium à des fins militaires.
- Renforce la perception d’un “cycle du combustible dangereux” dans un contexte international de l’époque.
Contexte de faibles résultats et manque de justification technologique
L’ancienne ministre expliquait que Superphénix avait été conçu pour démontrer la faisabilité du recyclage des actinides (déchets de haute activité radiologique issus du processus de fission) et du plutonium, mais :
- Les performances ont été jugées décevantes, et les résultats expérimentaux n’ont pas justifié les investissements.
- La ministre Madame Dominique Voynet et d’autres estimaient que les avancées escomptées en matière de gestion des déchets ou de recyclage du plutonium ne valaient pas les risques et les coûts.
Contexte d’opposition idéologique aux technologies nucléaires
En tant que membre du parti politique des Verts, la ministre Madame Dominique Voynet défendait une politique résolument jugé par certain antinucléaire, considérant cette technologie comme incompatible avec une transition énergétique durable.
Elle plaidait également pour une réduction progressive de la part du nucléaire dans le mix énergétique français.
Selon elle, les réacteurs à neutrons rapides, en raison de leur complexité et des risques d’exploitation qu’ils posaient en France, étaient perçus comme un symbole des excès du programme nucléaire français.
Contexte d’incidents marquants ayant alimenté ces critiques
Les réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix ont été marqués par plusieurs incidents techniques, souvent liés à l’utilisation du sodium liquide comme fluide caloporteur.
Ces problèmes ont alimenté les critiques sur leur fiabilité et leur sécurité. Voici les incidents majeurs et récurrents qui ont jalonné leur histoire :
Réacteur Phénix
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1973 – Anomalie dans le système de refroidissement :
Peu après son démarrage, des anomalies dans le circuit secondaire de refroidissement ont été détectées, principalement dues à des défauts de conception et à des difficultés liées au comportement du sodium liquide. Pour en savoir plus consulter le rapport « One Year of Phénix Operation » de F. Conte, présenté lors de la Conférence Nucléaire Européenne en avril 1975. -
1980 – Fuite de sodium dans le circuit secondaire :
Une fuite de sodium s’est produite dans le circuit secondaire, provoquant un incendie localisé. Bien que maîtrisé rapidement, cet incident a mis en lumière la vulnérabilité des circuits en cas de fuite. -
1990 – Problèmes de corrosion et d’usure des composants :
Après plusieurs années de fonctionnement, des problèmes de corrosion liés au contact prolongé des matériaux avec le sodium liquide ont été signalés. Ces dégradations ont nécessité des arrêts prolongés pour maintenance. -
1994 – Incident dans le cœur du réacteur :
Une anomalie dans le cœur a conduit à l’arrêt prolongé de Phénix. Les ingénieurs ont découvert des irrégularités dans le comportement neutronique, nécessitant des modifications pour garantir une exploitation sûre. Pour en savoir plus consulter l’historique ASN : https://www.asn.fr/content/download/61615/file/annexe_NI_fin_de_vie_PHENIX.pdf -
Pannes récurrentes :
Tout au long de son exploitation, Phénix a connu de nombreux arrêts pour maintenance corrective, souvent liés à des problèmes avec le sodium (fuites, oxydation) ou avec le matériel mécanique. Consulter l’historique d’incident ASN https://www.asn.fr/controle/l-asnr-en-region/occitanie/centrale-phenix/avis-d-incidents?
Réacteur Superphénix :
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1985 – Fuite d’huile sur une pompe du circuit secondaire :
Avant même son entrée en service, une fuite d’huile dans une pompe du circuit secondaire a retardé la mise en exploitation commerciale. Cet incident a mis en évidence des lacunes dans la conception des équipements. -
1987 – Fuite de sodium dans le circuit secondaire :
Une fuite de sodium s’est produite dans le circuit secondaire, provoquant un incendie. Bien que l’incendie ait été contenu, l’incident a suscité de vives inquiétudes sur les risques liés au sodium liquide.
source : https://www.gazettenucleaire.org/1991/109110_26.html?
source : https://www.senat.fr/questions/base/1987/qSEQ870506030.html?- Incident : Une fuite de 20 tonnes de sodium s’est produite dans le barillet, entraînant un arrêt du réacteur pendant environ 10 mois.
- Coûts : La réparation du barillet et la construction d’un poste de transfert du combustible de remplacement ont coûté plus de 1 milliard de francs (environ 150 millions d’euros).
- Incident : Une fuite de 20 tonnes de sodium s’est produite dans le barillet, entraînant un arrêt du réacteur pendant environ 10 mois.
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1990 – Problèmes avec les échangeurs de chaleur :
Des fissures ont été détectées dans certains échangeurs de chaleur du circuit secondaire. Ces défauts ont entraîné des réparations coûteuses et un arrêt prolongé de la centrale.- Incident : Une fuite détectée sur l’un des quatre circuits principaux a nécessité la vidange immédiate de 400 tonnes de sodium liquide, entraînant un arrêt prolongé.
- Coûts : Les coûts liés à cet incident incluent les opérations de vidange, de réparation et de rechargement en sodium, mais les montants précis ne sont pas détaillés.
- Incident : Une fuite détectée sur l’un des quatre circuits principaux a nécessité la vidange immédiate de 400 tonnes de sodium liquide, entraînant un arrêt prolongé.
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1994 – Chute d’un assemblage combustible :
Un assemblage combustible est tombé dans le cœur du réacteur. Bien que l’incident n’ait pas entraîné de fuite radioactive, il a nécessité des réparations complexes et a prolongé l’arrêt du réacteur. -
Arrêts fréquents pour maintenance et réparations :
Entre 1986 et 1997, Superphénix a passé la majeure partie de son temps à l’arrêt, accumulant seulement environ 300 jours de fonctionnement effectif en une décennie. Ces arrêts étaient souvent liés à des problèmes techniques dans les circuits de sodium.
Contexte des conséquences mesurées suite aux incidents successifs
Coûts totaux : Selon un rapport de la Cour des comptes de 1997, le coût total de Superphénix, incluant la construction, l’exploitation et les dépenses liées aux incidents, est estimé à plus de 60 milliards de francs (environ 9 milliards d’euros).
D’autre part, ces incidents ont contribué à une image négative des réacteurs Phénix et Superphénix, renforçant les arguments des opposants sur :
- Les dangers du sodium liquide, notamment en cas de fuites ou d’incendies.
- La complexité et la fragilité des technologies RNR, nécessitant des coûts de maintenance élevés.
- L’insuffisance des performances par rapport aux attentes initiales, ce qui a entraîné une remise en question de leur pertinence.
Ces problèmes récurrents, combinés à des coûts élevés et à une forte opposition politique et publique, ont finalement conduit à l’arrêt définitif de Phénix en 2009 et Superphénix en 1997.
Christophe NAVARRO, auteur
NOVA RADIOPROTECTION ©
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